• Une étoile ou deux ?

    En attendant la finale France-Croatie.

    Bien que publié deux jours plus tard sur ce blog, ce message de Garrincha a été envoyé aux Calciatori dimanche 15 juillet 2018 à 12h58, soit 4h00 avant le début de la finale de la coupe du monde de football 2018 : France-Croatie. Garrincha répondait à un petit mot de Luigi Riva. Celui-ci avait écrit la veille à 23h20 : "L’Équipe de France sera championne du monde grâce au travail de déblaiement des autres équipes comme la Belgique avec le Brésil, le Mexique avec l’Allemagne, etc Comme pour les élections présidentielles, Macron s’est retrouvé dans un boulevard que ses concurrents lui ont ouvert (Fillon, Hamon, Mélenchon...surtout Fillon et ses affaires tordues) Macron, c’est l’Equipe de France".

    Carissimo Luigi, je pense que ta saine franco-macronphobie te fait perdre un peu de vue le football. S'il y a bien une équipe qui a bénéficié de la logique de déblaiement des gros poissons c'est la Croatie qui a évité l'Espagne (grâce à la Colombie) et l'Allemagne (grâce à la Suède). Elle a brillamment battu l'Argentine mais s'est retrouvée dans une poule jouable après des éliminatoires où elle devait faire face à...l'Islande, l'Ukraine, la Turquie, la Finlande, le Kosovo. Elle avait d'ailleurs terminé seconde derrière l'Islande avec deux défaites et ne s'est qualifiée qu'après un match de barrage contre la Grèce (4-1 et 0-0). Elle a ensuite écarté en match à élimination directe, des équipes bien moins performantes qu'elle sur le papier (Danemark, Russie, Angleterre).

    La France a dû écarter Hollande, Suède et Bulgarie en éliminatoires et batailler contre trois équipes sud-américaines coriaces (Pérou, Uruguay et Argentine) avant d'affronter la Belgique, une des meilleures sélections nationales belges de l'histoire (meilleure encore que la génération de Scifo selon Maxime Bossis, demi-finaliste en 1986 et 4ème derrière la France). Cela ne réduit aucunement les mérites et la qualité de la sélection Croate. Tout le monde le sait et le dit. La finale reste ouverte, quand bien même la Croatie a pu s'épuiser dans trois prolongations. Sa capacité de résistance est phénoménale. Elle est portée non seulement par son petit pays mais par 99% de la planète tant les Français sont antipathiques. Mais, encore une fois, politiser le foot à outrance ne permet pas forcément de le comprendre. Car la Croatie, comme la France, possède un nombre incroyable de joueurs talentueux qui évoluent en dehors de leur championnat. Le milieu est stupéfiant : Modric et Kovacic sont au Réal, Rakitic à Barcelone, Badelj à la Fiorentina. Le Gardien de but joue à Monaco et Mandzukic est l'avant-centre de la Juventus, Lovren à Liverpool, Brozovic et Perisic à l'Inter. En fait la coupe du monde n'est pas la vérité du foot. Elle fascine et réveille les foules internationales tous les quatre ans, mais ces foules sont majoritairement composées de populations qui sont le reste du temps, totalement indifférentes au football. Ce sont les championnats nationaux et notamment la Champions League - qui est devenue qu'on le veuille ou non depuis 1992 et surtout 1999 un quasi championnat européen de football, là où historiquement il s'est développé et renforcé - qui sont les vrais instruments de mesure de la qualité des équipes et des joueurs. L'investissement financier massif qui a précédé (vitrine de grands groupes économiques à la Berlusconi, droits télés, cotation en bourse) a modifié les stratégies et accru la difficulté à constituer des groupes de joueurs homogènes. D'autant qu'il faut pratiquement deux effectifs de haut niveau pour un grand club européen (car il faut jouer à la fois le championnat national et la Champions League : pensez qu'un mec comme Rakitic a joué cette année 70 matchs tous confondus championnat, Europe et coupe du monde. Kanté, le poumon français n'en a joué que "60"). Le règne du "mercato" établit une valeur quasi financière à la performance sportive du footballeur mais il a aussi grandement contribué à individualiser cette performance. Composer une sélection nationale dans ce contexte relève du défi. Historiquement, la coupe du monde confirmait les performances des clubs car les grandes sélections nationales étaient composés de noyaux issus des grands clubs nationaux (Santos FC et Brésil, Italie et Juve, Allemagne et Bayern, Hollande et Ajax, etc, à un moindre niveau la première visibilité française est partie de Reims puis de Saint-Etienne). L'Espagne a pu s'appuyer récemment à la fois sur Barcelone et le Réal.

    France et Croatie possèdent deux caractéristiques communes : de grands joueurs talentueux évoluant à l'étranger car leurs championnats nationaux respectifs sont médiocres ou insignifiants. Mais composer une sélection nationale est plus compliquée à partir d'un grand pays. Ce qui fait la limite de l'éthique plus politique que footballistique du David contre Goliath. Si la Croatie l'emporte ce soir, elle le devra plus à ses talents qu'à l'énergie internationale qui va se focaliser ce soir sur son soutien. Ce qui fait que bien que supporter des bleus et conscient de leur qualité, je flippe énormément. Bises à tous, bon match. PS : ci-dessous, une image qui circule sur les réseaux sociaux italiens (où l'on soutient la Croatie à 90%) pleine d'auto-dérision. La phrase dit "on peut dire ce qu'on veut, nous sommes parmi les finalistes". Elle joue sur le double sens en italien de "tra" à la fois "parmi" et "entre".... N'oubliez pas : "les Italiens sont des Français de bonne humeur".

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