• DE 1917 À 2018 : AIMER LE FOOTBALL ET DÉTESTER MACRON

    Garrincha s’est levé du pied gauche ce matin, à quelques heures de la prise du palais d’hiver du football. Difficile de tirer du droit. La jambe d’appui du gaucher a flanché l’été dernier sur un terrain de vacances, quelque part en Calabre. Le goudron fondait sous ses pieds. Les bourrelets suintaient de graisse et de sueur aussi sûrement que le foie sécrète la bile et le cerveau la pensée. Le cartilage a craqué et Garrincha s’est retrouvé avec un genou du volume d’un sein de Lolo Ferrari.

    Depuis cet été, il a senti le poids des années, la chute du corps et le plomb des défaites radicales. Il s’est mis à compter les coupes du monde pour lesquelles maître Yoda, disparu à l’automne 1998, n’avait pu s’enthousiasmer : 2002-2006-2010-2014. 20 ans et quatre coupes du monde, bientôt cinq. Les deux buts de Zizou en final contre le Brésil n’effaceront jamais la défaite de Séville.

    Car la plaie est vive et la douleur plus ancienne encore. Quelque part dans la brume d’Anfield Road, malgré la splendide lucarne de Bathenay, Lopez a laissé filer Fairclough. Et tout s’est effondré. A genoux, les sidérurgistes de Youngstown USA, au lendemain du Black Monday, à genoux les mineurs britannique d’Orgreave tabassés et broyés par Thatcher, à genoux les ouvriers de l’acier à Longwy. 40 ans de bulldozer néo-conservateur, 40 ans d’écrasements ouvriers, 40 ans de suprématie du capital contre le travail. 40 ans de capitalisme financier. Il est bien fini le temps des cerises et celui de la promesse de 1917. 40 ans. Garrincha regarde le miroir. Il est vieux et fatigué. Il a désormais l’âge de maitre Yoda quand les usines ne voulaient plus de lui. L’an dernier, il a vu le jeune homme s’avancer.

    Un petit con. Avec un cheveu sur la langue. Il le voyait en mode « pied tendre » mais façon Lucky Luke et Le Cavalier blanc. Le Dorian Gray de l’Elysée. Bien propre sur lui. En surface. Dans les faits : Prétentieux, suffisant, arrogant, méprisant, hautain, autoritaire. Le pur produit de la haute fonction publique prêt à dézinguer la petite fonction publique, les ouvriers et les salariés « à statuts ». Ami des banquiers et de ce qu’il reste de grands chefs d’entreprise « entreprenant ». Un président de droite bien à droite, flanqué des derniers renégats socialistes. Traîtres parmi les traitres. « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour le capital » disaient déjà les poilus de 14 en 17. Macron, en marche comme en 40 !

    "Emmanuel Macron sera élu le 7 mai 2017 Président de la République. C’est le produit politique fabriqué par les efforts combinés de l’oligarchie financière, du MEDEF, des gouvernements Hollande, de la technostructure administrative, des opportunistes de tous bords, des stars de l’intelligentsia toujours avides de notoriété, de la totalité des médias ; bref, de tous ceux ayant joué un rôle dans la situation désastreuse actuelle et favorisé ou instrumentalisé la montée du Front national. Et cela dans le contexte d’une décomposition sociale profonde, d’une communauté des citoyennes et des citoyens désorientés, en perte de repères (...). S’il est clair qu’on ne saurait voter pour la politique de filiation autoritaire, xénophobe et nationaliste de Marine Le Pen, le danger de la politique portée par Emmanuel Macron constitue une autre redoutable menace pour le progrès social et la démocratie.
    Dimanche 7 mai 2017 je voterai Blanc". Anicet Le Pors, Le Monde 4 mai 2017
    http://anicetlepors.blog.lemonde.fr/2017/05/04/emanuel-macron-cet-homme-est-dangereux/

    Garrincha s’est recouché. Il a rêvé de la France rouge-rouge-rouge mais l’équipe n’a pas mis un seul but et elle rentrait bredouille à Clairefontaine, sans même passer le premier tour. La route était mal éclairée et le bus des bleus a déraillé des lignes rouges du petit cahier d’écolier. Garrincha était furieux. Il a levé la tête et a vu l’institutrice qui le grondait : « toi, tu as encore regardé le match de football hier soir ! ». Il s’est surpris à lui répondre en « gros mots » comme si sa bouche était devenue noire et vieille de 40 ans, d’un seul coup. « C’est à cause de ces connards de petits cons de milliardaires maîtresse. Ils jouent dans les plus grands clubs du monde entier, ils sont cons comme des bites, ils ont des cerveaux de la taille d’un poids chiche, ils ne savent même pas faire les lacets de leur chaussure ; que même moi, maitresse, avec mon tout petit cerveau d’enfant d’ouvrier, j’arriverai à leur faire, les lacets de leur chaussure. Ils crachent, ils pètent, ils rotent. Ils se rasent la tête comme les nazis. Ils ont des tatouages partout sur le corps. Et ils écoutent du gangsta rap. Pourtant, ils sont vraiment forts ces gens là. Ils ne sont pas comme nous Maîtresse. Quand ils chient de la merde ça ruisselle de l’or jusqu’à TF1. Ils vivent chez Panini, le photographe. Ils sont tellement forts que même quand ils dorment, ils gagnent de l’argent. Mon papa appelle ça « le capitalisme de rentes ». Mais moi je m’en branle. Je veux qu’ils gagnent la coupe du monde. C’est important vous savez, le football, maîtresse, si on  veut devenir un vrai communiste ».

    Garrincha s’est réveillé en sursaut. Il tenait entre les mains le numéro du 12 juin 2018 de France-football mais sa vue était trouble. En ajustant ses lunettes, il relut la phrase sur laquelle il s’était endormi : « les joueurs de l’équipe de France sont probablement les plus surcotés de tous (…) Sur le terrain, c’est une autre histoire, et rares sont ceux qui figurent parmi les tout meilleurs à leur poste ».

    Garrincha dit : « les bleus vont peut-être gagner, et tu auras tort, les bleus vont peut-être perdre et tu auras raison, ne quitte pas le parti ».

    DE 1917 À 2018 : AIMER LE FOOTBALL ET DÉTESTER MACRON

     


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